École genevoise. Des pseudonymes antisémites et sexistes projetés en classe

École genevoise. Des pseudonymes antisémites et sexistes projetés en classe

Dans un cycle d’orientation, des élèves ont recouru à des pseudonymes outranciers dans le cadre de quiz, sans réaction des enseignants.

 

Comment occuper les élèves quand il n’y a plus de perspectives d’évaluation? Depuis la semaine dernière, des enseignants font visiblement passer des quiz, activité, semble-t-il, assez répandue au cycle d’orientation, particulièrement en fin d’année. C’est le cas dans une classe de l’établissement des Voirets, où plusieurs enseignants ont eu recours aux questionnaires fournis par le site kahoot.com, selon en témoignage du père d’un élève.

Ces quiz en ligne permettent aux jeunes de choisir un pseudonyme qui s’affiche à l’écran quand, via leur smartphone, ils donnent leur réponse, ou à la fin du jeu quand le podium virtuel apparaît.

Or certains s’inventent des pseudonymes sexistes, racistes, antisémites ou homophobes. Si le pseudonyme est insultant, l’application en ligne le refuse, mais les élèves contournent facilement cet écueil. Exemples: Hit l’aire, Emma beat, Briseur2Q – et autres insultes que nous préférons ne pas reproduire –, selon une photo de pseudonymes projetés en classe… sans que l’enseignant ne réagisse.

«C’est devenu un challenge»

«Il a fait comme s’il n’avait pas vu», affirme ce père. Selon lui, au moins deux autres enseignants de son enfant ont fermé les yeux sur des pseudonymes dépassant les limites, tandis qu’un quatrième, lui, a exigé qu’ils soient immédiatement retirés. Jugeant en outre ces quiz souvent de faible valeur pédagogique, notre interlocuteur estime que des activités de fin d’année plus enrichissantes éviteraient que les élèves, par ennui, s’amusent à trouver le pire pseudonyme.

Et la mère d’un autre jeune de cet établissement d’ajouter: «Il n’est pas systématique que les enseignants fassent retirer les pseudonymes à connotation sexuelle ou raciste. C’est devenu un challenge entre les élèves, celui qui donne simplement son nom passe pour un ringard.»

Au-delà de ces pseudonymes, des propos racistes ou homophobes sont trop souvent tolérés dans le contexte scolaire, observe le père cité plus haut. Il déplore une forme de démission de certains enseignants. «Ne pas réagir, ne pas sanctionner, ça revient à cautionner!»

«Ne rien laisser passer»

Des enseignants qui ferment les yeux quand «Hit l’aire» s’affiche à l’écran? Cela n’étonne pas Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad). «Il faut mettre la prévention contre les discriminations à l’agenda scolaire; nous dénonçons depuis des années un phénomène de banalisation et de radicalisation. Il y a également un problème de formation du corps enseignant, qui doit savoir comment réagir face à des discriminations. Ça commence par ne rien laisser passer.»

Membre du bureau de la Fédération des associations de maîtres du Cycle d’orientation (Famco), Michaël Savoy confirme que les quiz de kahoot.com sont utilisés en fin d’année: «L’enseignant peut lui-même créer des questionnaires interactifs dans un cadre pédagogique pour rendre l’apprentissage à la fois ludique et sérieux, d’autres sont proposés clés en main et sont de qualité variable.»

Lui-même en a utilisé un, sur proposition de ses élèves: «Il y avait des erreurs d’orthographe, que j’ai signalées, et il y a eu un pseudonyme misogyne… J’ai alors imposé que tout le monde utilise son prénom. Dans de tels cas, il faut bien sûr immédiatement intervenir, et je n’ai pas entendu que des enseignants ne le feraient pas.»

Ces quiz Kahoot semblent prendre place également dans des établissements au secondaire II, avec leur lot de dérapages considérés par des élèves comme des plaisanteries. Les enseignants? «Ils ne voient pas ou ne regardent pas. De toute façon, c’est anonyme.»

Inacceptable pour le DIP

L’utilisation de tels pseudonymes est inacceptable dans le cadre scolaire, réagit le Département de l’instruction publique (DIP). Le recours à kahoot.com n’est pas recommandé et la direction des Voirets a rappelé à son personnel le cadre et les bonnes pratiques en fin d’année scolaire. Dans ce contexte, le DIP dit renforcer ses actions de prévention des discriminations.

Une fois les cours clos, le département encourage les sorties scolaires et les activités sportives ou complémentaires à l’enseignement durant l’année. Les quiz sont possibles et les enseignants ont à leur disposition une plateforme pédagogique nommée Cortex. Conforme avec la protection des données, elle propose des contenus pédagogiques liés aux plans d’études et sans recours à des pseudonymes.